une consigne

L'intrus

Une deuxième adhérente, Françoise, nous a rejoints dernièrement (août 2018) à l'atelier. Cette histoire a eu lieu à la deuxième séance. Après l'habituel échange où chacun peut s'exprimer librement je propose la consigne «l'intrus». Je dispose sur la table de nombreuses matières telles que colle, scotch, laine, papier, ciseaux, crayon de couleurs, noix, feuilles à dessin, bouchons de plastique etc etc... en leurs proposant d'utiliser ce qu'elles souhaitent pour la réaliser. Après environ 20 minutes d'absence je les retrouve. Françoise dit avoir terminé sa création et Dominique travaille encore son œuvre qui est déjà composée de beaucoup de matières différentes, d'écritures.
Françoise a réalisé un dessin. Un personnage avec en arrière-plan une fenêtre avec ses rideaux. Étant donné qu'elle a terminé je lui demande si elle veut bien m'en dire quelque chose (je propose à Dominique de continuer son œuvre.)
C'est sa tante me dit-elle en me montrant son dessin. Elle dit avoir beaucoup de peine pour elle car «elle a les jambes gonflées, des varices, la peau toute ridée, la chair des bras qui tombe» et me dresse, sur un ton catastrophé, les affres biens communs de la vieillesse. Pour Françoise, qui sait que sa tante a plus de 85 ans, ces faits sont liés à l'intervention d'un psychiatre malveillant qui serait rentré dans sa tête et la sienne. Ce psychiatre, qu'elle dit ne pas voir depuis de très nombreuses années, est responsable des souffrances de sa tante et des siennes. Françoise est persuadée qu'il a le pouvoir de lui faire gonfler le visage, de lui faire mal aux dents, de lui donner envie de dire «des cochonneries» et bien d'autres maux encore. Heureusement dit-elle, elle voit maintenant un autre psychiatre qui peut aussi «rentrer dans sa tête» et qui essaie d'en chasser «le méchant».
Le fait que Françoise passe par l'intermédiaire de sa tante pour exprimer et représenter des souffrances dont elle est-elle même la proie et qu'elle a déjà a maintes reprises évoquées m'interpelle. Elle est de plus tout à fait hermétique à l'idée que la description qu'elle me fait de l'état de sa tante et du sien puisse être dues à l'âge.Après l'avoir écoutée je lui demande alors où se trouve l'intrus, qui est-il, qu'est-ce que c'est. Elle me répond «c'est mon ancien psychiatre». Je la remercie de m'avoir fait part de tout cela et m’intéresse au travail de Dominique, qui s'active toujours. Dominique se saisie ardemment de ma question pour raconter des parties de son histoire, en piochant de ci de là dans les nombreux éléments de sa création. Ici sa fille, là son fils, sa grand-mère etc etc,le tout dans son habituelle absence de chronologie et dans l' éparpillement. Après l'avoir écoutée je lui demande où se trouve l'intrus et ou qu'est-ce que c'est. Elle est décontenancée par ma question, dit qu'elle a oublié la consigne de départ et s'en excuse. Je lui dis que ce n'est pas grave, qu'elle l'a de toute façon entendue et lui repose la question. «C'est Dieu» me dit-elle dans une sorte d'énervement «ma grand-mère, qui s'est occupée de moi quand j’étais petite, était très croyante et je me sens souvent coupable de beaucoup de choses».Dominique et Françoise disent entendre des voix , chacune à leurs façons ( elles suivent un traitement psychiatrique). Leurs intrus sont absents de leurs créations, absences pourtant bien présentes dans ce qu’elles en disent.

Beau résumé du cas clinique!

Vous énoncez "entendre des voix" "traitement psychiatrique" c'est donc un cas de schizophrénie?

leclere a écrit:

L'intrus

Une deuxième adhérente, Françoise, nous a rejoints dernièrement (août 2018) à l'atelier. Cette histoire a eu lieu à la deuxième séance. Après l'habituel échange où chacun peut s'exprimer librement je propose la consigne «l'intrus». Je dispose sur la table de nombreuses matières telles que colle, scotch, laine, papier, ciseaux, crayon de couleurs, noix, feuilles à dessin, bouchons de plastique etc etc... en leurs proposant d'utiliser ce qu'elles souhaitent pour la réaliser. Après environ 20 minutes d'absence je les retrouve. Françoise dit avoir terminé sa création et Dominique travaille encore son œuvre qui est déjà composée de beaucoup de matières différentes, d'écritures.
Françoise a réalisé un dessin. Un personnage avec en arrière-plan une fenêtre avec ses rideaux. Étant donné qu'elle a terminé je lui demande si elle veut bien m'en dire quelque chose (je propose à Dominique de continuer son œuvre.)
C'est sa tante me dit-elle en me montrant son dessin. Elle dit avoir beaucoup de peine pour elle car «elle a les jambes gonflées, des varices, la peau toute ridée, la chair des bras qui tombe» et me dresse, sur un ton catastrophé, les affres biens communs de la vieillesse. Pour Françoise, qui sait que sa tante a plus de 85 ans, ces faits sont liés à l'intervention d'un psychiatre malveillant qui serait rentré dans sa tête et la sienne. Ce psychiatre, qu'elle dit ne pas voir depuis de très nombreuses années, est responsable des souffrances de sa tante et des siennes. Françoise est persuadée qu'il a le pouvoir de lui faire gonfler le visage, de lui faire mal aux dents, de lui donner envie de dire «des cochonneries» et bien d'autres maux encore. Heureusement dit-elle, elle voit maintenant un autre psychiatre qui peut aussi «rentrer dans sa tête» et qui essaie d'en chasser «le méchant».
Le fait que Françoise passe par l'intermédiaire de sa tante pour exprimer et représenter des souffrances dont elle est-elle même la proie et qu'elle a déjà a maintes reprises évoquées m'interpelle. Elle est de plus tout à fait hermétique à l'idée que la description qu'elle me fait de l'état de sa tante et du sien puisse être dues à l'âge.Après l'avoir écoutée je lui demande alors où se trouve l'intrus, qui est-il, qu'est-ce que c'est. Elle me répond «c'est mon ancien psychiatre». Je la remercie de m'avoir fait part de tout cela et m’intéresse au travail de Dominique, qui s'active toujours. Dominique se saisie ardemment de ma question pour raconter des parties de son histoire, en piochant de ci de là dans les nombreux éléments de sa création. Ici sa fille, là son fils, sa grand-mère etc etc,le tout dans son habituelle absence de chronologie et dans l' éparpillement. Après l'avoir écoutée je lui demande où se trouve l'intrus et ou qu'est-ce que c'est. Elle est décontenancée par ma question, dit qu'elle a oublié la consigne de départ et s'en excuse. Je lui dis que ce n'est pas grave, qu'elle l'a de toute façon entendue et lui repose la question. «C'est Dieu» me dit-elle dans une sorte d'énervement «ma grand-mère, qui s'est occupée de moi quand j’étais petite, était très croyante et je me sens souvent coupable de beaucoup de choses».Dominique et Françoise disent entendre des voix , chacune à leurs façons ( elles suivent un traitement psychiatrique). Leurs intrus sont absents de leurs créations, absences pourtant bien présentes dans ce qu’elles en disent.

Effectivement, Dominique et Françoise ont toutes les deux été diagnostiquées ainsi.